Si vous vous promenez dans le quartier de San Telmo, à Buenos Aires, vous pourriez être tenté de vous arrêter quelques minutes sur un banc. Vous feriez alors un brin de causette avec une petite fille brune, à la tête toute ronde, qui risque de vous surprendre par son franc parler inimitable. Je dis bien « tenter » car les gens font la queue pour avoir ce privilège. Et oui, Mafalda, la petite fille en question, est une véritable icône en Argentine !
Mafalda et son créateur Quino, lors de l’inauguration de « son » banc, en 2009, dans le quartier de San Telmo (Buenos Aires)
La première apparition de Mafalda
Créée par Joaquín Salvador Lavado Tejon, alias Quino, elle apparait en 1964 dans l’hebdomadaire d’information Primera Plana . Ce « papa » virtuel place alors sa jeune héroïne dans une famille de la classe moyenne de Buenos Aires, au cœur du quartier de San Telmo. C’est une enfant qui déteste la soupe, haute comme trois pommes, un nœud dans les cheveux et les joues rebondies. Mais il ne faut pas s’y tromper ! Lucide et impertinente, elle va inlassablement fustiger la société qui l’entoure avec des remarques drôles et incomparables.
L’Univers de Mafalda
Il se compose d’amis, prétextes à ses réflexions sociétales et d’une famille qui souvent la navre. S’y ajoutent une mappemonde qui lui inspire ses diatribes sur le monde et une tortue dénommée … « bureaucratie ».
Pendant une petite dizaine d’années, elle n’aura de cesse de donner son avis sur tout, de la politique à la société de consommation en passant par le rôle des femmes et l’éducation. Ses remarques entremêlent enfance et maturité, humour et sagacité. Son inimitable sens de la répartie et ses questions ingénues mais intransigeantes séduisent les Argentins. Mafalda leur permet d’affronter les nombreux bouleversements qui secouent alors leur pays. Elle devient rapidement populaire, irrésistible et attachante, soufflant un vent de liberté et de justice qui se propage dans de nombreux autres pays.
L’hommage
Le banc public est un symbole d’échange, de lien social et de convivialité. Y placer Mafalda, parmi les siens et au milieu de la vie de sa cité, était le plus beau des hommages. Elle pourrait être en chair et en os qu’elle n’en serait pas plus vivante. On a tellement envie de venir se poser à côté d’elle et, lui demander son avis sur ce monde qui ne va pas beaucoup mieux. Le soir, dans la demi-obscurité, elle est si réelle et touchante qu’on la voit presque remuer ses lèvres. En levant son petit doigt accusateur, elle nous rappelle combien il est important de rester critique et vigilant.
Ce banc est bien plus qu’un mobilier urbain. Il est une tribune pour tous ceux qui, aux côtés de Mafalda, ont envie de bavarder à coeur ouvert, de dire ce que d’autres taisent et de croire en la liberté de penser.
Texte de Claudia Gillet-Meyer et photos de Régis Meyer.
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