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    Arcosanti, retour vers le futur (USA)

    28 juillet 2022
    Arcosanti

    L’histoire commence comme une réponse possible à la problématique d’une époque. Cela se passe dans les années 1970, alors que les villes américaines débordent et se répandent comme du lait sur le feu, créant des banlieues de plus en plus étalées et horizontales qu’on ne peut parcourir qu’en automobiles.  La ville mange l’environnement et elle génère une surconsommation de tout.

    De cet état de fait, un certain nombre de prises de conscience vont voir le jour suivies par des projets et des réalisations plus ou moins réalistes.  

    Arcosanti s’inscrit très exactement dans cette lignée. 

    Son créateur est un architecte italien qui, diplôme en poche, se rend en Arizona à la fin des années 40 dans le centre d’études bâti par le grand Frank Lloyd Wright à Taliesin West, à Phoenix. Il y est question d’architecte organique et les principes de Frank Lloyd Wright associés à son esprit « d’idéaliste rebelle » séduisent le jeune Paolo. Avec un collègue, il part s’installer dans le désert d’Arizona où ils construisent ensemble une première œuvre symbolique : une colonne à encorbellement faite de parpaings volés. Elle sera suivie par Dome House, une maison entièrement enterrée et recouverte d’un dôme en verre et aluminium. Puis, Paolo Soleri retourne quelques années en Italie où il est notamment commandité pour édifier une usine de céramique (Ceramica artistica Solimene). Cette réalisation comporte déjà les éléments de ces futurs projets. Construite dans la roche de la montagne, elle s’articule en une succession de tubes cylindriques en briques de couleur rouge et verte, comme les tuyaux d’un orgue géant. Le plan est un espace continu qui suit les différentes phases de la production des produits céramiques. Cet espace, ainsi que la céramique, vont influencer la créativité du jeune architecte pour sa cité idéale : Arcosanti. 

    C’est ainsi que, de retour aux USA, alors que les villes sont dans la démesure horizontale, Paolo décide d’édifier sa ville verticale. Il invente le mot Arcosanti qui vient de l’italien Cosa et Anti, signifiant « avant les choses », ainsi que le concept d’arcologie, fusion entre architecture et écologie. Sa ville va devenir un laboratoire urbain, communautaire et écologique au milieu du désert aride et brulant de Sonora, à 110 km de Phoenix, afin de lutter contre « la tendance de l’espèce humaine à se répandre ».  

    Arcosanti

    C’est dans l’air du temps et Paolo Soleri se place en tête d’un mouvement utopiste réalisant des mégastructures (Asteromo, Babelhoah, Veladiga, Babel B), dont les dessins et les maquettes alimenteront une exposition à la Corcoran Gallery à Washington en 1970, Ils sont alors édités dans un luxueux catalogue « The Sketch Books of Paolo Soleri » (Les Esquisses de Paolo Soleri). 

    Arcosanti voit le jour avec un groupe de bénévoles convaincus entourant Paolo Soleri comme autant de disciples. On l’a qualifié de chef spirituel et sa philosophie de la cité idéale tient « de la science-fiction, du brutalisme, de l’architecture religieuse et vernaculaire ».

    Paolo séduit par ses idées, son radicalisme, sa rébellion, ses rêves et ses convictions. 

    Arcosanti

    Arcosanti est, dès le départ, un site expérimental et les principes architecturaux évoluent au fur et mesure de sa construction pour tester de nouvelles idées. Tout en béton, juchée sur un piton qui domine une nature quelque peu hostile, la « ville » juxtapose des absides tournées vers le soleil comme des cathédrales éventrées, des cubes superposés, jouant avec le vide, percés de fenêtres rondes, un amphithéâtre, une serre, une piscine et des cyprès qui la font ressembler à un lointain village toscan.

    Surtout réalisée entre 1970 et 1990, elle devait accueillir 5000 habitants mais ils ont rarement été plus de 120, vivant et travaillant sur place. Inspiré par son usine de céramique, Paolo Soleri a la géniale idée d’agrémenter son projet architectural d’une petite unité de fabrication de cloches en fonte et en céramique dont les ventes permettent une source non négligeable de revenus pour la communauté. 

     Mais, faute de véritables moyens, l’agglomération cesse de grandir et devient surtout un musée et un centre de formation consacrés aux utopies de son fondateur. 

    Je dois avouer n’avoir pas ressenti beaucoup d’émotion en visitant ce lieu. L’idée m’avait intéressée mais, curieusement, il m’a manqué une âme. Est-ce parce que le créateur n’est plus et qu’il était la pièce maitresse du puzzle ? La réalité que représente Arcosanti aujourd’hui, ressemble plus à un cas d’école qu’à une cité radieuse. On a un curieux sentiment d’absence de joie. Le « possible » généré par l’envie d’une ville idéale se heurte au quotidien d’un manifeste d’architecture et non d’un lieu de convivialité. Qu’elle soit horizontale ou verticale, la cité du futur n’est pas seulement une répartition de bâtiments dans l’espace. Elle ne peut faire l’économie de l’humain qui l’habite, la fait vibrer, l’illumine. Arcosanti n’a jamais pu dépasser la centaine d’habitants, et c’est là que je vois la limite entre l’utopie et la vie. 

    Pour moi, Arcosanti est fascinant à visiter mais certainement impossible à vivre. Paolo Soleri a d’ailleurs créé peu de bâtiments dans sa carrière et sa contribution en tant qu’architecte est surtout philosophique et théorique. Il a cependant inspiré toute une génération d’écrivains et de cinéastes de science-fiction qui ont décliné le concept d’arcologie de multiples manières, ouvrant la réflexion sur la bioclimatologie et les vraies questions de survie du futur. 

    Voilà peut-être où se situe la vraie mission d’Arcosanti. Pour la trouver, il faut regarder la ville à travers les yeux du fabuleux dessinateur que fut Paolo Soleri. Ses plans et ses croquis sont habités par une force et une dimension tout à fait inhabituelle. Ils sont inspirants et ouvrent la voie vers un monde poétique que la réalité n’a certainement pas servi à sa juste mesure. 

    Enfin, comme un retour vers le futur, Taliesin, le centre créé par Frank Lloyd Wright où Paolo Soleri s’était révélé, travaille à présent en partenariat avec Arcosanti pour son école d’architecture.

    Longue vie donc aux rebelles et aux utopistes ! 

    Texte de Claudia Gillet-Meyer et photos de Régis Meyer

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