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Jardin de la Renaissance

    Jardins

    Jeux d’eaux à la villa d’Este (ITALIE)

    23 avril 2021
    Villa d'Este

    Pourrait-on avancer que, dans notre vaste monde, l’œuvre d’art a parfois choisi elle-même son créateur plutôt que l’inverse ? Vu la pugnacité dont certaines œuvres ont bénéficié pour pouvoir naître et exister, l’assertion précédente est possible. En tous les cas, selon moi, c’est ce qui a dû se passer à Tivoli, près de Rome, alors que finissait la Renaissance.

    Vue du palais sur les jardins de la Villa d’Este.

    L’Italie était au sommet de l’Art et j’aime à penser que, dans cette effervescence créatrice, l’Eau, cet élément unique, précieux et vital mais tellement banalisé par l’homme, se soit dit qu’il était temps que l’humanité prenne conscience de l’étendue de ses possibilités. Partant de ce constat que je revendique entièrement, imaginons ensemble la suite.

    Elle (l’Eau) décide donc de devenir l’héroïne d’une œuvre d’art qui la magnifie et la vénère. Elle se met alors en quête de la personne idoine pour réaliser son rêve ambitieux. Le choix tombe sur un cardinal qui a aussi une ambition, celle de devenir Pape. L’eau est rusée. Elle a compris que la détermination de cet homme allait servir ses desseins.

    Présentons l’homme. Il s’appelle Hippolyte d’Este, fils de Lucrèce Borgia qui n’a pas une excellente réputation auprès de la Papauté. Cependant, il vient d’être nommé Cardinal et gouverneur de Tivoli et la villa qui lui a été allouée ne lui plait pas. Il rêve plus grand, plus vaste, plus fastueux. L’Eau jubile. Elle est sûre d’avoir trouvé l’heureux élu. Est-ce donc elle qui lui aurait suggéré au creux de l’oreille d’acquérir le couvent des Bénédictins afin de le transformer en Palais ? Et pourquoi pas ?  Toujours est-il qu’Hippolite a certainement reçu un message car il décide, dès le départ, de dédier ses futurs jardins à l’élément aquatique et ce, sans économie de moyens.

    « L’eau parle sans cesse et jamais ne se répète »

    Octavio Paz

    Les viviers et la fontaine de l’orgue

    Immédiatement le site est entièrement remanié par des ingénieurs et des architectes. La vallée est remodelée et – excusez-nous du peu – trois rivières ( L’Aniene, l’Albueno et l’Erculaneo) sont détournées afin d’amener l’Eau vers les fontaines du futur jardin… Pour l’acheminer, il faut également construire un aqueduc, un souterrain, un canal de plus de 600 mètres ! Ne me dites pas que vous ne croyez toujours pas que c’est l’œuvre d’art qui a jeté son dévolu sur son créateur ?

    Fontaine de l’ovale, dessinée par Pirro Ligorio. Villa d’Este

    Quand tous ces travaux colossaux ont été achevés, le traçage du jardin a commencé à apparaître et il est évident que tout y est au service de l’Eau. Les perspectives décalées, les escaliers, les paliers successifs, les massifs, les grottes, les terre-pleins, les plats et les dénivelés. Tout, absolument tout, est pensé pour que l’Eau s’exprime dans toutes ses manifestations. Et c’est exactement ce qu’elle fait.

    Fontaine de l’orgue. Villa d’Este

     À la Villa d’Este, elle parle, elle danse et elle chante comme bon lui semble et comme jamais vous ne l’avez vue ou entendue. Elle dégouline, serpente et ruisselle. Elle jaillit et retombe en gouttelettes, en filets, en geysers, en bouquets ou en rideaux dans les fontaines et les grottes. Elle murmure, glousse, clapote, gicle, glougloute et gronde. Elle est Diva, divine ou discrète. Elle surprend, se ramifie, se réunit et se répand. Elle joue autant qu’elle se pavane. Elle vocalise même dans l’orgue hydraulique qui la fait chanter. Et, cerise sur le gâteau, elle flirte en permanence avec la lumière qui l’irise et la colore au gré du soleil et du vent. 

    « La vie est de l’eau dansant sur la mélodie des solides »

    Albert Szent-Gyorgyi

    Jamais avant, l’Eau n’avait eu le loisir d’être autant admirée. Le jardin est à son service et non l’inverse. C’est elle la vraie maîtresse et propriétaire des lieux. On a parlé d’un jardin des Merveilles, faisant le lien entre les jardins classiques de la Renaissance et ceux – à venir – de l’ère Baroque : un jardin maniériste dans lequel commence à apparaître des figures grotesques comme ce mur aux dizaines de fontaines. 

    Il y a eu un « avant » Tivoli et un « après » car ce lieu a définitivement marqué un cap dans l’art des jardins.

    La Villa d’Este est une prouesse architecturale, artistique et technologique, c’est certain. Pour moi, c’est une œuvre d’art qui a échappé à ses créateurs (car plusieurs cardinaux se sont succédéspour réussir à la parachever). Mais, le seul qui a su vraiment en transmettre l’essence est Franz Liszt.  En écoutant les Jeux d’eaux à la Villa d’Este, on découvre ce que l’Eau a certainement susurré à l’oreille d’Hippolyte pour le convaincre de lui dédier ce merveilleux royaume.

    Jeux d’eaux à la Villa dEste; Franz Liszt.

    Texte de Claudia Gillet-Meyer, Photos de Régis Meyer

    EN SAVOIR PLUS:

    La Villa d’Este est sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco:

    http://whc.unesco.org/fr/list/1025

    Itinéraire Européen des Jardins Historiques:

    https://europeanhistoricgardens.eu/fr/portfolio-item/villa-deste-3/