C’est dans un coin aride du nord du Rajasthan qu’une communauté de marchands réalise, entre la fin du XVIII° et le début du XX° siècles, l’un des plus grands musées à ciel ouvert du monde. Ces marchands sont ici au bon endroit, au bon moment, car les caravaniers de la route de la soie traversent leur territoire. Ils deviennent alors riches et même très riches, et entreprennent la construction de petits palais ou « havelis » pour abriter leur famille élargie et leur entreprise.
Mais dans cette société codée, un « marwari » ou marchand ne sera jamais aussi prestigieux qu’un « rajput » ou fils de Prince. Qu’à cela ne tienne ! Si les rajputs ont déjà fondé les principales villes du Shekhawati avec leurs palais, leurs forts ou leurs cénotaphes, les marwaris vont s’en inspirer pour faire beaucoup mieux. Surtout dans le domaine de la peinture murale qui atteint, avec eux, des sommets inégalés.
Dans ces peintures « a fresco », qui s’étendent sur des kilomètres, tout est prétexte à « illustration » : l’histoire de la famille, celle des dieux, des transports, des guerres et des célébrations. Les thèmes évoluent aussi au fil du temps, des trains remplaçant le voyage à dos d’éléphant, des hommes et femmes occidentaux illustrant l’arrivée des Britanniques, la « modernité » donnant ainsi lieu à de délicieuses interprétations du cru comme une voiture surmontée d’ailes. Les tons sont joyeux et chatoyants et même parfois l’or vient s’ajouter, quand le propriétaire est particulièrement argenté ou … orgueilleux.
Et puis, rideau ! Les familles migrent petit à petit vers Calcutta, Bombay ou Madras, là où le commerce s’est déplacé, délaissant leurs somptueuses résidences du nord du Rajasthan. Les « havelis » ferment leurs portes ouvragées sur leurs trésors picturaux et tombent dans le sommeil, l’oubli et la poussière. Cet incroyable musée de peintures polychromes, cette histoire d’une époque, ce témoignage d’une culture sont à l’abandon depuis un siècle, à l’exception de quelques initiatives dont celle, remarquable, de Nadine Leprince qui a entrepris depuis plusieurs années la restauration d’une Haveli à Fatehpur.
Les plus grandes dynasties commerciales et industrielles de l’Inde d’aujourd’hui viennent du Shekhawati, mais elles semblent avoir oublié le fabuleux patrimoine érigé par leurs ancêtres. Quel dommage !
Texte et photos de Claudia-Gillet- Meyer
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