Jardins

Le temple Tôfuku-ji et l’éternelle modernité de son jardin sec (JAPON)

12 décembre 2020
Jardin sec Tôfuku-ji Japon

Pour décrire le temple Tôfuku-ji de Kyoto, on pourrait dire… bien des choses en somme:

Religieux : « Il est l’un des cinq grands temples du bouddhisme zen au Japon »

Esthétique : « L’embrasement automnal des quelques 2000 érables qui poussent dans son enceinte est époustouflant ! »

Historique : « Sa monumentale porte d’entrée, appelée Sammon, est considérée comme un trésor national ».

Selon moi, c’est l’audacieuse modernité de son Karesansui – ou jardin sec – qui mérite toutes les attentions. Ce jardin si traditionnel dans la culture japonaise, métamorphosé ici par le génie visionnaire d’un homme peu conventionnel. 

Nous sommes en 1939 quand l’abbé du temple demande à Mirei Shigemori, un artiste peintre, spécialiste de l’ikebana et de la cérémonie du thé, de rénover les jardins qui viennent d’être dévastés. Le choix est osé car Shigemori n’est pas un paysagiste établi. Cependant, il vient d’entreprendre un voyage de quatre ans à travers le Japon pour visiter 242 jardins historiques dont il a publié une édition exhaustive en 26 volumes.

Ce passionné des jardins accepte la commande sous conditions : travailler gratuitement en échange d’une totale liberté d’exécution. II va ainsi créer un nouveau karesansui, composé de quatre jardins cardinaux autour du bâtiment principal, dont l’un d’eux est une constellation d’étoiles en béton et l’autre un damier de béton et de mousse, introduisant ainsi un matériau contemporain au sein même de la plus pure tradition.

Une véritable révolution. 

Le quadrillage en béton et mousse jardin Tôfuku-ji Japon

En faisant entrer le jardin sec dans le XX° siècle, Shigemori dérange. Mais il fait partie de ces êtres, rares et précieux, qui savent d’instinct prendre le pouls de l’époque. Trait d’union entre les cultures, les disciplines et la temporalité, il a compris qu’il est possible d’innover tout en conservant les repères ancestraux ; qu’il n’est pas nécessaire de copier l’occident pour intégrer la modernité ; que l’interprétation de la nature peut s’enrichir de nouveaux matériaux. 

Ce n’est alors que sa deuxième réalisation, très vite suivie de plus de 200 autres à travers le pays, toutes conçues avec une vision qu’il appelait la « modernité éternelle ».

Quand on parle des jardins japonais, Shigemori est une figure toujours controversée dans son pays et les historiens de l’art continuent à le bouder, omettant souvent de le nommer. 

Est-il si difficile de changer les traditions ?

Son œuvre a répondu à cette question à la place des théoriciens et a rendu un merveilleux hommage à son maître, car le jardin en damier du temple Tôfuku-Ji est devenu aujourd’hui l’image iconique des jardins contemporains japonais … dans le monde entier ! 

2 jeunes filles en kimono Jardin Tôfuku-ji Japon

Texte de Claudia Gillet- Meyer et photos de Régis Meyer.

En savoir plus 

« Shigemori Mirei : un regard créatif sur l’art des jardins » par Murielle Hladik, publié dans Projets de paysage le 08/07/2012

https://www.projetsdepaysage.fr/shigemori_mirei_un_regard_creatif_sur_l_art_des_jardins

« Tofuku-ji : mandala de pierre et de mousse » par Arnauld Le Brusq 

http://terregaste.fr/wp-content/uploads/2011/09/Au-Tofukuji.pdf

https://www.kanpai.fr/kyoto/tofuku-ji

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