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    Mompox, la ville qui surgit d’un rêve (COLOMBIE)

    13 avril 2021
    Mompox

    Quelque part en Colombie se trouve une ville dont peu de gens ont entendu parler.

    Une ville-mirage, un jour brillante et l’autre soustraite aux yeux du monde.

    Une ville que l’on n’est pas sûr de pouvoir positionner sur une carte. 

    Et pour cause ! Elle est pratiquement restée inatteignable pendant de longues années, prisonnière des bras tentaculaires du Magdalena, ce magnifique fleuve qui griffe la Colombie des Andes aux Caraïbes. Santa Cruz de Mompox, car tel est le nom de cette ville, est aujourd’hui sur un ilot créé par les caprices de cet immense cours d’eau qui s’est éparpillé en multiples bancs de sable au milieu d’un labyrinthe d’affluents, avant de se jeter dans la mer.

    Ironie de l’histoire, c’est pourtant ce même fleuve qui a favorisé sa naissance en 1539, la reliant directement à Carthagène, alors capitale du pays. Cet emplacement protégé, assez loin de la côte pour pouvoir échapper aux pirates mais facilement accessible par voie fluviale, la désigne comme lieu idéal pour frapper monnaie et important centre commercial. Autant dire que la richesse y afflue rapidement et que les aristocrates carthaginois viennent y bâtir de somptueuses résidences.

    Mompox est alors une ville sous dépendance espagnole et les andalous qui s’y établissent y apportent une tradition arabe, celle des bijoux en filigrane, qui devient une spécialité de la ville, l’or et l’argent étant ici particulièrement abondants. 

    Son heure de gloire se prolonge jusqu’au XIX° siècle, notamment en 1810 lorsqu’elle devient la première ville à s’émanciper de l’Empire espagnol et à recevoir Simon Bolivar à plusieurs reprises.

    Mais le destin de Mompox n’est pas lié aux hommes. Il ne dépend que du fleuve qui l’a créée et qui décide un jour de reprendre ce qu’il a donné. C’est ainsi qu’il la coupe peu à peu du reste du monde, l’enlisant dans un no man’s land quasi inaccessible. Soumise, cette somptueuse cité ferme ses yeux de grande dame et s’endort dans le sommeil de l’oubli.

    Tout y demeure intact : ses belles maisons coloniales, ses églises colorées, son charme, sa nonchalance et ses ateliers d’orfèvres, figés dans le temps et dans l’espace.

    Aujourd’hui, pour se rendre à Mompox, il ne faut pas craindre les longues heures de route et de piste et – bon côté de la médaille – on peut dire que cet éloignement l’a préservée de tout bouleversement. Telle une beauté qui se réveille dans un conte de fées, elle demeure identique aux côtés de son perpétuel amant, le Magdalena, qui ne veut pas la quitter.  

    Il suffit de déambuler quelques minutes dans ses ruelles pour être enveloppé par son étrange atmosphère, séduit par un autre rythme. Dire qu’ici le temps s’est arrêté, est assez mesquin. En fait, il s’y est dilué, liquéfié tout autant que le fleuve omniprésent. Comment peut-on être suffisamment trivial pour parler du temps qui passe alors qu’à Mompox le temps reste et s’installe ? 

     » C’est comme si le temps tournait en rond et que nous étions revenus au tout début. » 

    Gabriel  Garcia Marquez « Cent ans de solitude »

    C’est certainement le véritable secret de cette ville ; elle a négocié un pacte avec l’éternité. Alors que d’autres seraient tombées en ruines, ses cent ans de solitude l’ont rendue imperméable au changement. D’ailleurs, instinctivement, on modifie ici toutes ses habitudes. Le pas se ralentit, les pensées s’envolent et l’esprit se repose. Que peut-on faire d’autre que de se laisser emporter par cette spirale intemporelle ?  

    Dans l’ombre rafraichissante des luxuriants patios, on se pose sur un de ces fauteuils à bascule qui scandent les arcades des vérandas, bercé par le chant des oiseaux. Les grands ventilateurs brassent l’air avec lenteur et on s’assoupit, étourdi par l’immobilité ambiante et le parfum capiteux des fleurs tropicales.

    Avec nonchalance, quand vient le soir, on se promène le long des courants impérieux du fleuve pour en respirer l’humidité, puis on s’endort dans des chambres aux fenêtres grillagés de fer forgé et aux meubles patinés par les ans, en rêvant d’une ville dont on nous a parlé et qu’on a cru visiter.

    « Mompox n’existe pas, parfois nous rêvons d’elle, mais elle n’existe pas ».

    Gabriel Garcia Marquez « Le Général dans son labyrinthe »

    Texte de Claudia Gillet-Meyer, photos de Claudia Gillet-Meyer et Régis Meyer.

    En savoir plus :

    • Allez à Mompox avec l’excellent blog « Mon voyage en Colombie »:

    • Centre historique de Santa Cruz de Mompox (classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 1995)

    https://whc.unesco.org/fr/list/742/

    • Les livres de Gabriel Garcia Marquez.

    Né à Aracataca, une ville voisine prise elle-aussi dans le bras du Magdalena, il décrit l’ambiance toute particulière des villes de ce « marigot » dans :

    Cent ans de Solitude 

    Le fleuve Magdalena est particulièrement à l’honneur dans son magnifique roman d’amour :

    L’amour au Temps du Choléra.

    • Mompox et le fleuve Magdalena