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    Les jardins de Sainte Clotilde pour (re)découvrir le noucentisme (ESPAGNE)

    29 avril 2023

    Les noms en « isme » ont une goût prononcé pour les arts ou la politique. C’est ainsi que nous connaissons bien d’un côté, le classicisme, le romantisme ou le cubisme et de l’autre le communisme, le nationalisme ou le libéralisme, pour n’en citer que quelques-uns. La grande originalité du noucentisme est qu’il réunit les deux sous une seule et même appellation. Culture et politique marchant main dans la main, tel est déjà un des volets fondateur de ce mouvement qui sévit en Catalogne au début du XX° siècle. 

    Le noucentisme est né d’un rapprochement entre « nou cents » (neuf cents) et l’adjectif « nou » qui signifie nouveau, moderne.

    Comme il y eut le quattrocento en Italie, le novecento est devenu noucentisme faisant référence tant au siècle qu’aux idées nouvelles qu’il devait véhiculer.

    De fait, ce fut un courant politico-culturel qui commença vers 1906 visant à définir le substrat culturel sur lequel devait reposer le catalanisme politique. 

    Il faut être catalan pour comprendre les subtilités de ce mouvement et tout ce qu’il a véhiculé à l’époque. Ce qui est fortement intéressant est la manière dont il s’est exprimé dans l’art en général. 

    Au début, le noucentisme était une manière de voir l’art du nouveau siècle mais peu à peu, les artistes catalans ont délibérément pris la Méditerranée comme modèle par opposition à l’Europe du Nord qui donnait alors le tempo en matière de tendances. La recherche des racines grecques, latines et l’influence de la Renaissance italienne les a poussés à inventer un style différent, non calqué sur le romantisme ou le classicisme. 

    Les jardins de Sainte Clotilde en sont une exemplaire synthèse. 

    Ils furent conçus par Rubio i Tuduri, architecte de jardins, fils d’architecte et fortement influencé par les idées du paysagiste français Jean-Claude Nicolas Forestier. Ces deux-là dessinèrent d’ailleurs les jardins de la colline de Montjuic à Barcelone. 

    Dans cet esprit noucentiste où la culture est un socle important pour la représentation de l’âme catalane,  Rubio i Tuduri inscrit le jardin comme une œuvre d’art à part entière.  

    « L’Art des jardins est aussi digne que celui de la Musique, de la Poésie, de l’Architecture et, naturellement, de la Peinture et de la Sculpture. Voire supérieur à bien des égards. » 

    Rubio i Tuduri 

    Il ne voit pas le jardin comme un lieu de culte d’un paysage mystique et romantique, mais comme un acte de réconciliation avec la nature pour tenter de renouer un dialogue interrompu. Il s’agit d’être complice avec une nature douce et apaisante telle qu’elle apparait dans les tableaux de la Renaissance italienne. Point de vertige excessif et luxuriant procuré par les parcs anglais, mais plutôt une harmonie végétale entre les mythes et les cultures qui se sont connectées autour de la Mer Méditerranée. 

    « L’artiste jardinier doit « vivre » son œuvre en communion avec les exigences de la vie végétale. Il doit y contribuer sans jamais vouloir l’assujettir aux inspirations préétablies de l’artiste. » 

    Rubio i Tuduri 

    Rubió est littéralement amoureux de la Méditerranée. Ses jardins reflètent l’éclectisme typique des multiples cultures qui se sont développées autour de cette mer. 

    Son paysage méditerranéen, si bien illustré à Ste Clotilde, est réduit à une échelle humaine, domestiquée et très gréco-latine. Quelques touches légères de végétation exubérante et lumineuse alternent avec un camaïeu étudié et sobre de tonalités vertes. Les espèces d’arbres sont peu nombreuses, ramenées souvent au cyprès et au pin. Les espaces sont tracés avec une grande minutie, épousant la déclivité du terrain afin que le regard converge toujours vers la Méditerranée, sentinelle en toile de fond. 

    Comme réinterprété aux jardins d’Étretat en France, le jardinier paysagiste Rubió a sculpté la nature avec un nombre limité de végétaux, usant au maximum de toutes les courbes naturelles du terrain. L’effet est spectaculaire. 

    Les statues viennent ponctuées ce dédale si bien orchestré, repères minéraux dans ce monde végétal, servant souvent d’indicateurs des lieux stratégiques : une placette, une montée d’escalier, un banc ou une ouverture sur la mer. 

    L’emplacement lui-même est à couper le souffle, sorte de proue protégée donnant sur une  petite crique, à la sortie de la station balnéaire très fréquentée de Lloret de Mar. Un havre hors du temps. 

    L’architecte paysagiste s’est fondu dans l’espace pour en révéler l’âme génitrice de la Méditerranée. Ici, Platon, Sénèque et Mistral se sont donnés rendez-vous.   

    C’est à pas de loup que l’on parcourt les allées, jouant avec la rectitude des cyprès et le miroitement de l’eau au loin, de peur de réveiller les sirènes venues accoster sur ce rivage paisible et intemporel. 

    « Le créateur d’un jardin manipule humainement la vie des plantes. Parce que l’harmonie humain-végétal de notre art, doit être le fruit de l’homme.

    Ceci suppose une simplicité extrême de l’œuvre d’art du jardin. Le dialogue entre les plantes doit être naturel. L’accumulation de détails artificieux est contre-productive. Souvent, l’excès d’ornements et d’accessoires n’a pour objectif sous-jacent que le grand vide idéologique et émotionnel dont le soi-disant jardin est affligé. »

    Rubio i Tuduri 

    Rien de superfétatoire ici.  Juste une invitation au voyage:  

    Texte de Claudia Gillet-Meyer, photos de Claudia Gillet Meyer et Régis Meyer.

    EN SAVOIR PLUS :

    Noucentisme, catalanisme et arc latin – Eduardo Gonzalez Calleja – Claude Bleton

    https://www.cairn.info/revue-la-pensee-de-midi-2000-1-page-44.htm#:~:text=Le%20noucentisme%2C%20courant%20culturel%20et,transformer%20une%20culture%20catalane%20traditionnelle.

    Jardins de Santa Clotilde – Lloret de Mar

    https://patrimoni.lloret.cat/fr/moll-musee-ouvert-de-lloret/jardins-santa-clotilde