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    Luis BARRAGAN, l’architecte iconique du Mexique

    29 mars 2024
    Luis Barragan

    Les réalisations de Luis Barragan sont époustouflantes de simplicité et de luminosité. 

    « Faire simple » tout autant que « construire simple » est extrêmement difficile. Le superflu et le détour sont toujours une manière de cacher l’essentiel, mais il est évident que Barragan n’a jamais eu recours à ce subterfuge. 

    Mexicain dans l’âme, cet homme est intrinsèquement lié aux mouvements architecturaux de son époque et cet assemblage de différents courants s’est exprimé dans son architecture par  une signature toute particulière.

    Ainsi, quand les européens comme Le Corbusier ou Van der Mies ont simplifié le bâti et ses formes, le blanc s’est avéré pour eux la meilleure nuance, celle qui magnifiait le minimalisme et lui donnait de l’élégance. Barragan a intégré l’épure de ses contemporains, mais il n’a pas suivi ce courant chromatique. Les vibrations de son Mexique natal se sont rappelées à lui et les roses, jaunes et bleus lumineux ont colonisé les murs de ses réalisations comme autant d’éclaboussures de joie intense et primitive.

    Il y a un paradoxe dans les influences que cet homme a reçues tant elles sont presque antinomiques au premier abord. 

    Il est né en 1902 à Guadalajara dans l’état de Jalisco. Si les traditions de cet état ont transmis au monde entier l’image exubérante et allègre du Mexique, de la tequila au costume des mariachis avec leurs sombreros, Barragan en a surtout retenu l’hacienda de sa famille, dans la campagne de Mazamitla. Par contraste, il s’est imprégné des couleurs de la terre, de la végétation, des paysages, des chevaux et des cascades d’eau pure qui ont pris racine en lui dans l’attente d’être révélées. 

    Après un diplôme d’ingénieur à 23 ans, il se forme tout seul à l’architecture, notamment à travers ses voyages en Europe. C’est la Méditerranée qui l’attire le plus, surtout la Grèce et l’Espagne. Et c’est la rencontre avec Ferdinand Bac qui lui permet d’opérer la synthèse de toutes ces découvertes. Ce dernier est un personnage hors du commun. Caricaturiste et écrivain, il est devenu architecte-paysagiste à 50 ans et réalisa sur la Côte d’Azur ses plus belles œuvres dont il ne reste aujourd’hui que le jardin des Colombières à Menton. Bac permet à Barragan de tresser les fils de l’incompatible.

    Alors que Barragan admire l’architecture moderniste du Corbusier, il lui est impossible de ne pas vibrer pour l’Alhambra de Grenade, ni de ne pas sentir l’appel puissant de la nature environnante. Pourrait-on dire que Ferdinand Bac le libère en lui permettant de s’exprimer à sa guise, avec sa propre personnalité et sans avoir à faire de choix ? Tout peut-être conciliable à partir du moment où c’est la sincérité et la sensibilité qui s’expriment.    

    Barragan va effectuer un tissage avec le butin européen qu’il rapporte dans son pays. La modernité en est la trame principale, la toile de fond. Il va y ajouter les couleurs de sa terre natale, l’intérieur-extérieur des maisons arabo-andalouses, le clin d’œil du jardin aperçu et l’intensité de la lumière maîtrisée. Les couleurs choisies sont les plus intenses et les plus franches qui soient. Celles qui ne mentent pas et qui parlent mexicain. Il les emploie avec aplomb et affirmation, comme un manifeste. Elles sont les partenaires indispensables à son architecture dépouillée, efficace et incroyablement séduisante. Elles tracent le chemin d’une pièce à l’autre, invitent au recueillement, surprennent là où on les attend le moins, soulignent la nature ou la précèdent, sont facétieuses ou solennelles, comme les muses de l’artiste.

    Car Barragan est un architecte-artiste, un bâtisseur-poète, un magicien de la lumière. Les couleurs l’habitent. Il les connait, les étudie et les aime. Il parait qu’avec son ami, le peintre Jesús Reyes Ferreira, il débattait et discutait âprement des couleurs durant des jours, des mois et même des années ! La maîtrise de la couleur est son empreinte ultime. Elle lui a permis d’intégrer parfaitement la modernité de son époque sans perdre ce qui l’anime, avec une œuvre éminemment liée au Mexique sans jamais être folklorique. 

    Face à une de ses réalisations, il ne peut pas y avoir de confusion ; ce qui est du « Barragan » se repère tout de suite. Peut-être aussi parce que son architecture a une dimension spirituelle unique. Cet homme pieux et perfectionniste a eu le pouvoir d’édifier des lieux apaisants et joyeux, intimes, pétillants et élégants. Des lieux qui renvoient à l’âme de ceux qui les habitent.

    On se glisse dans les jaunes, les roses ou les bleus éclatants de Barragan comme dans un bain traditionnel japonais qui purifie l’esprit en prenant le corps comme prétexte. Il n’y a effectivement rien de plus serein que cette architecture habitée d’une telle lumière. Elle est une évidence dont la simplicité coupe le souffle, nettoie et illumine. Face à la juxtaposition de telles couleurs, on aurait pu craindre le pire. Le génie de Luis Barragan en a révélé le meilleur.  

    Texte de Claudia Gillet Meyer et photos (prises à la Casa Barragan et Casa Gilardi de Mexico City) de Régis Meyer.

    EN SAVOIR PLUS:

    • Fondation Barragan : https://www.barragan-foundation.org

    • Luis BARRAGAN (1902-1988), maître de l’architecture moderniste mexicaine

    https://www.coupefileart.com/post/luis-barragán-1902-1988-maître-de-l-architecture-moderniste-mexicaine

    • Le rose mexicain : https://histambar.com/blog/rose-oui-mais-rose-mexicain/

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